Du Poète à l'Aventurier
Arthur Rimbaud en septembre-octobre 1871
Arthur Rimbaud en septembre-octobre 1871
Photographie d'Etienne Carjat
 
"L'Enfant de Colère"
"L'Époux Infernal"
"L'Homme aux Semelles de Vent"

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"L'homme était grand, bien bâti, presque athlétique, au visage parfaitement ovale d'ange en exil, avec des cheveux châtain clair mal en ordre et des yeux d'un bleu pâle inquiétant"

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Jean-Nicolas-Arthur Rimbaud naît le 20 octobre 1854 à Charleville dans les Ardennes. Son père, le capitaine d'infanterie Frédéric Rimbaud et sa mère, Vitalie Cuif, issue d'une famille paysanne des Ardennes, se sont mariés en 1853. Arthur a un frère aîné, Frédéric, et deux jeunes soeurs, Vitalie et Isabelle, respectivement nées en 1858 et 1860.
Quelques mois après la naissance d'Isabelle, leur père rejoint son régiment à Grenoble, abandonnant femme et enfants. Puis il prend rapidement sa retraite à Dijon.
Blessée, sa femme fait le silence sur lui et passe pour être veuve. Les enfants reçoivent une éducation catholique sévère, car leur mère craint pour eux le mauvais exemple du père, et celui de leurs oncles Cuif qui étaient alcooliques.

Les deux garçons fréquentent d'abord l'Institut Rossat, puis à partir de 1865, le Collège de Charleville, où Arthur va rencontrer Ernest Delahaye, celui qui restera son plus fidèle ami.

Arthur Rimbaud à 10 ans parmi les élèves de l'institut Rossat
Arthur Rimbaud à 10 ans parmi les élèves de l'institut Rossat
(3ème assis à partir de la gauche)

Élève brillant, il accumule les prix, notamment en rhétorique. À treize ans, il envoie en cachette un hommage au Prince Impérial qui vient de faire sa première communion. C'est en latin qu'il fait ses premiers vers : il remporte d'ailleurs en 1869, le premier prix du concours académique pour Ver erat, Jamque novus, et Jugurtha. L'un de ses professeurs de quatrième, M. Pérette dit de lui : "Intelligent, tant que vous voudrez, mais il a des yeux et un sourire qui ne me plaisent pas. Il finira mal : en tout cas, rien de banal ne germera dans cette tête : ce sera le génie du bien ou du mal !"

En janvier 1870, la Revue publie ses premiers vers : les Étrennes des Orphelins.
Arrive alors de Paris un nouveau professeur de rhétorique, Georges Izambard, lui-même poète. Celui-ci va se prendre d'affection pour Arthur et faire son bonheur en lui laissant l'accès à sa bibliothèque personnelle, ce que Mme Rimbaud apprécie peu car elle pense que la lecture de certains ouvrages peut pervertir son fils.

Le 24 mai 1870, dans l'espoir d'être publié dans le Parnasse contemporain, Arthur envoie à Théodore de Banville : Sensation, Ophélie et Credo in Unam (première version de Soleil et Chair), puis l'année suivante Ce qu'on dit au poète à propos de fleurs. Ces échecs ne le découragent pas.

En juillet, la France entre en guerre avec la Prusse. Tout se désorganise. Izambard part à Douai, en laissant l'accès de sa bibliothèque à Arthur. Celui-ci tourne en rond et s'ennuie ferme : "Ma ville est supérieurement idiote entre toutes les petites villes de province" lui écrira t-il.


Le 29 août, il fait sa première fugue à Paris, via Charleroi. Son billet n'étant pas valable jusqu'au bout, il est incarcéré à Mazas. Sur l'intervention d'Izambard, il est relâché et s'en va passer une quinzaine de jours à Douai, chez les vieilles tantes de celui-ci, les demoiselles Gindre.

Le retour à la maison n'est pas très chaleureux. Aussi, Le 7 octobre, Arthur s'enfuit à nouveau, pour la Belgique (Charleroi) puis Bruxelles, avant de revenir chez les demoiselles Gindre à Douai. Là, il recopie ses poèmes et les envoie à Paul Demeny, jeune poète que lui a présenté Izambard.

Le 1er novembre, sa mère le fait ramener à domicile par la police. Les locaux du collège ayant été réquisitionnés pour servir d'hôpital, les cours ne reprennent pas. Aussi Arthur va se mettre à fréquenter beaucoup la bibliothèque de Charleville.

Le 25 février 1871, il refait une fugue, pour Paris, en train cette fois. Complètement fauché, il erre pendant quinze jours et finit par rentrer à pied à Charleville le 10 mars.

Quand la Commune éclate à Paris le 18 mars, il est de tout coeur avec les insurgés. Il exprime ses sentiments communards dans Chant de Guerre Parisien, Les Mains de Jeanne-Marie, Paris se repeuple. Il est en pleine révolte, il devient anarchiste, violent, commence à boire et s'amuse à scandaliser par sa tenue.

 
Arthur en 1871. Dessin de Delahaye
Arthur en 1871. Dessin de Delahaye

C'est le dérèglement de tous les sens, qu'il expose à ses amis Izambard et Demeny, dans deux lettres dites "du Voyant". Il demande d'ailleurs à Demeny de détruire les poèmes qu'il lui a précédemment envoyés, les jugeant dépassés. Celui-ci heureusement n'en fera rien.

Fin août, il écrit à Verlaine et lui envoie des poésies. Séduit, celui-ci l'invite à le rejoindre à Paris : "Venez, chère grande âme, on vous appelle, on vous attend ". À la mi-septembre, Rimbaud part à Paris avec son poème le Bateau ivre.

Verlaine est marié à une riche fille de bourgeois, Mathilde Mauté de Fleurville, et vit chez ses beaux-parents. L'arrivée d' Arthur fait scandale dans la famille, de par sa tenue grossière, débraillée et insultante. Il se rend tellement indésirable, qu'il finit par être logé par les différents amis de Verlaine. Celui-ci se remet à boire et passe le plus clair de son temps à traîner avec Rimbaud. Ils fréquentent le cercle des poètes Zutistes (ou zutiques), fondé par Charles Cros, qui se réunit à L'hôtel des Étrangers, boulevard Saint-Michel, et collaborent à l'Album collectif du groupe. Ernest Cabaner, le barman, apprend à Arthur les rudiments du piano selon la méthode du chromatisme musical, coloriant les notes et leur attribuant le son d'une voyelle (voir les explications sous le poème Voyelles). Rimbaud a été son assistant au club pendant quelques mois, ce qui lui permettait de dormir sur place. Mais avec son attitude maussade et hargneuse, ne ménageant personne, Arthur se fait rapidement mal voir.

Verlaine l'entretient. Leur liaison fait scandale. Ils mènent une vie dissolue et hantent les cafés, se saoulant à l'absinthe. Victime de violences conjugales, Mathilde finit par s'enfuir avec son fils.

En mars, Verlaine ayant promis de rompre avec Rimbaud rentré à Charleville, elle accepte de reprendre la vie commune. De retour à Paris en mai, déçu par son expérience parisienne et par l'attitude de Verlaine qui préfère sa vie de bon père de famille, Arthur est décidé à voyager avec ou sans lui. Il le contacte et arrive à le convaincre de partir. Tous les deux s'enfuient à Bruxelles au mois de juillet 1872. Voulant ramener son mari à la maison, Mathilde part les rejoindre avec sa mère. Abandonnée dans la gare à la frontière par son mari qui préfère suivre Rimbaud, elle rentre à Paris et demande la séparation de corps et de biens.


Verlaine et Rimbaud à Londres
Verlaine et Rimbaud à Londres
(sept-déc 1872)
Dessin de Félix Régamey
 

Début septembre, d'Ostende ils partent pour Londres. Ils voient la mer pour la première fois. Arrivés, ils prennent contact avec les communards exilés, comme Eugène Vermersh et Félix Regamey. Ceux-ci les aident à s'installer près de Soho, 34 Howland Street. Enthousiasmé par la ville, Rimbaud compose une partie des Illuminations et Verlaine écrit les Romances sans Paroles. Mais harcelé par les papiers des huissiers au sujet de la demande en séparation de sa femme qui s'appuie sur ses crises de violence dues à l'alcool et sur son étrange conduite à Bruxelles, Verlaine perd courage et se lamente, accablé de remords. Sur les conseils de sa mère, Rimbaud rentre à Charleville en décembre. Il y reste trois semaines. Dépressif et malade, Verlaine lance un appel désespéré. Arthur et la mère de Verlaine accourent à son chevet. La vie commune reprend entre promenades, lectures et études.

Ils quittent Londres le 4 avril. Verlaine part pour Namur, toujours obsédé par l'idée de se réconcilier avec sa femme. Mais elle refuse tout contact. Resté seul, Arthur rentre à Roche le 11 avril et commence à rédiger un Livre Païen, ou Livre Nègre, qui deviendra Une Saison en Enfer.


Début juillet, il accepte de retourner à Londres avec Verlaine, via Liège et Anvers. Ils sont logés 8 Great College street, dans Camden Town. Ils perfectionnent leur anglais et donnent des cours de français. Leur liaison d'une étrange nature commence à être connue dans le milieu communard de Londres qui les exclut. Elle est mentionnée dans les rapports des indicateurs de police qui infiltrent le groupe des exilés. Verlaine sent sa réputation perdue et entrevoit l'échec du procès en séparation d'avec sa femme si la rumeur arrive jusqu'à Paris. Alors il se remet à boire. Arthur devient insupportable. Le couple infernal se bat de plus en plus souvent à coups de poings et de couteaux. À la suite d'une violente dispute, Verlaine quitte Rimbaud et se réfugie à Bruxelles, dans l'espoir d'y faire venir sa femme pour une réconciliation. Très exalté, il parle de suicide dans ses lettres. Sa mère le rejoint et il envoie un télégramme à Arthur lui disant de venir aussi.

Le 10 juillet, voyant que Rimbaud veut absolument repartir pour Paris, Verlaine tire sur lui deux coups de revolver, dont l'un l'atteindra au poignet. Soigné à l'hôpital Saint-Jean, Arthur se dirige ensuite vers la gare. Verlaine le menaçant à nouveau, il prend peur et fait intervenir un agent de police. Verlaine est conduit au poste de police et transféré le lendemain à la prison des Petites-Carmes. Il subit un examen médico-légal qui conclut à des pratiques homosexuelles. Le 8 août, il condamné à deux ans de prison et 200F d'amende par le tribunal correctionnel de Bruxelles pour coups et blessures, malgré la déposition de Rimbaud en sa faveur. Celui-ci a été hospitalisé pour qu'on lui retire la balle.

Rimbaud blessé, tableau de Jef Rosman
Rimbaud blessé, tableau de Jef Rosman
Collection Musée Rimbaud, Charleville

Inscription derrière Rimbaud :
"Épilogue à la française. Portrait du français Arthur Rimbaud blessé après boire par son intime le poète français Paul Verlaine. Sur nature par Jef Rosman chez Me Pincemaille, marchande de tabac, Rue des Bouchers à Bruxelles".

Le 20 juillet, après avoir signé la veille un acte de renonciation à sa plainte, Arthur, désespéré, rentre à Roche et s'enferme dans le grenier pour terminer Une Saison en Enfer.

En août, il apporte le manuscrit à un imprimeur de Bruxelles. Le 22 octobre, n'ayant pu le payer, il retire quelques exemplaires d'auteur qu'il distribue à de rares amis, et abandonne l'édition de son livre. Il en dépose un en prison pour Verlaine. Mais il ne rencontre qu'hostilité, on lui reproche la déchéance de celui-ci.

En mars 1874, il repart à Londres avec Germain Nouveau, autre poète, qui l'aide à recopier les Illuminations. Ils s'installent 178 Stamford Street et donnent des leçons de français. Germain Nouveau s'en retourne à Paris au mois de juin, probablement pour échapper à la réputation sulfureuse d'Arthur qui pouvait nuire à sa jeune carrière prometteuse. Déprimé, Arthur écrit à sa famille et reçoit la visite de sa mère et de sa soeur Vitalie en juillet. Le 31, il quitte Londres pour un emploi à Scarborough. Il revient à Charleville fin décembre.

Jusqu'en 1879, il va errer, le plus souvent à pied, dans toute l'Europe.

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