Aden est une ville de la république du Yémen située sur la péninsule volcanique du golfe d'Aden.
La légende arabe de son origine fait référence à la Bible et raconte que Caïn s'y réfugia après avoir tué Abel, et qu'il s'y fit enterrer. Cette terre serait maudite pour avoir reçu la dépouille du premier fratricide.
Cette ville serait également l'Eden cité dans l'Ancien Testament (Ézéchiel, XXVII, 23).
Dès l'époque romaine, Aden fut le port le plus important de l'Arabie méridionale, appelée aussi Arabie Heureuse. Réputée pour sa richesse et sa splendeur, elle fut, pendant près d'un millénaire, l'un des principaux terminus de la route des épices dans l'ouest de la péninsule arabique. Aden conserva par la suite sa fonction commerciale tandis qu'elle était aux mains des Yéménites, des Éthiopiens, puis des Arabes. Au XVIème siècle, les Turcs Ottomans arrachèrent la région aux Portugais.
A partir de 1839, elle devint la capitale de la colonie britannique, déjà présente sur l'îlot de Perim, qui cherchait un relais maritime dans l'Océan Indien qui soit près de ses colonies indiennes. Grâce au percement du Canal de Suez ouvert en 1869, son importance s'accrut, du fait de son emplacement sur la liaison entre l'Asie et l'Europe.
Les Français étaient également présents à Aden et y créèrent Les Messageries Nationales (Impériales puis Maritimes) en 1851. Après l'ouverture du canal de Suez, les bâtiments de la compagnie circulant sur la ligne de l'Indochine pouvaient faire rapidement relâche à Aden pour s'approvisionner en charbon.
La France ouvrit une agence consulaire en 1857. Elle dépendait des consulats de France en Inde, le ministère des Affaires étrangères gardant le même découpage politico-diplomatique que celui des Anglais. Le premier titulaire fut Henri Lambert.
En mars 1881, le quai d'Orsay transforma le poste en vice-consulat et le confia à des agents de carrière mais, en cas de vacance, la gérance était confiée à des agents des Messageries Maritimes.
A partir de 1897, la gérance du vice-consulat fut confiée à Maurice Riès, en alternance avec César Tian. Le vice-consulat de France à Aden fut supprimé en avril 1903 et remplacé par une agence consulaire, dont Maurice Riès devint le titulaire.
Jusqu'au siècle dernier, la population indigène d'Aden se regroupait essentiellement dans le quartier du Crater (Aden-Camp).
Situé dans le fond du cratère d'un ancien volcan éteint, ce quartier était occupé par les anglais en garnison et par de riches négociants juifs et indiens.
Il était à situé à environ 7 kilomètres de Steamer-Point, où se trouvait le quartier européen. La colonie européenne était composée d'anglais, d'allemands, de français et d'italiens.
On accédait au Crater en passant par un défilé fortifié surmonté d'un pont, The Main Pass, détruit en 1963 pour élargir la route.
La ville était composée de larges rues aux maisons plates et blanches, sans aucune végétation.
La principale curiosité d'Aden réside dans les citernes de Tawila, situées sur les hauteurs qui entourent la ville. Construites au 1er siècle, elles sont enduites de ciment et divisées en plusieurs compartiments de forte maçonnerie installés dans une gorge. Elles recevaient autrefois l'eau d'une rivière qui traversait la plaine située au fond de la baie, amenée par un acqueduc. Elles furent redécouvertes par le lieutenant anglais Playfair en 1854 et restaurées en 1856. Les anglais essayèrent également de rétablir l'acqueduc en 1879. Les citernes servent à collecter l'eau de la montagne quand il pleut. Pleines, elles permettaient de tenir deux ou trois ans. Quand elles étaient vides, on les alimentait manuellement avec des outres remplies au puits en contrebas. Fournissant une eau trouble et verdâtre, il était préférable de consommer l'eau de mer distillée par les anglais à Steamer-Point.
En 1879, Arthur Rimbaud quitta Chypre précipitamment à la suite d'une querelle et chercha du travail dans les ports arabes de la Mer Rouge : Souakim, Djeddah, Massaouah, Hodeidah. Épuisé et sans ressources, il fut recueilli par M. Trébuchet, un français, qui le recommanda
à la maison de commerce Viannay, Bardey et Cie, qui était installée à Aden et exportait du café. Dans une lettre à sa mère du 25 août 1880, il se plaint de ne pas aimer cette ville :
"Aden est un roc affreux, sans un seul brin d'herbe ni une goutte d'eau bonne : (on boit de l'eau de mer distillée), la chaleur y est
excessive, surtout en juin et septembre, qui sont les deux canicules. 35° la température nuit et jour constante d'un bureau très frais
et ventilé. Tout est très cher et ainsi de suite. Mais il n'y a pas : je suis comme prisonnier ici et assurément il me faudra y rester au moins trois mois avant d'être un peu sur mes jambes ou d'avoir un meilleur emploi."
À son arrivée à Aden, Arthur Rimbaud était malade et il semble qu'il ait vécu quelque temps à l'hôtel de l'Univers, situé à Steamer-Point (aujourd'hui Tawahi), le port anglais. Le propriétaire de cet hôtel aménagé à la française était Jules Suel. Celui-ci était le beau-frère de Dubar, le contremaître d'Alfred Bardey, qui se chargea d'engager Rimbaud en l'absence de son patron. Une fois embauché, Rimbaud logea alors dans la maison de l'agence de son employeur, située à Aden-Camp (Crater).
Dès novembre 1880, il fut muté à Harar, en Abyssinie, où Alfred Bardey désirait monter une branche de sa société.
Pendant dix ans, Rimbaud fit du commerce, circula entre Aden et Harar, sillonnant le pays à pied, à cheval, seul ou avec des caravanes. En 1886, alors qu'il était en déplacement à Tadjourah, il fit adresser pendant quelques mois son courrier à l'hôtel de l'Univers. Jules Suel était alors en affaires avec lui et cofinança son expédition pour livrer des armes à Ménélik, roi du Choa. Par la suite, les réponses à ses courriers envoyés d'Aden en 1887-1888 furent adressés poste restante à Aden-Camp, puis au consulat de France, puis chez César Tian, qui avait sa maison de commerce sur la place à chameaux.
L'emplacement de l'agence Vianney, Bardey et Cie à Aden, où avait logé Rimbaud, fut retrouvé grâce au journal de souvenirs d'Alfred Bardey, Barr-Adjam. Elle était située vis-à-vis du Palais de justice et d'un long minaret blanc, seul reste d'une ancienne mosquée.
Les arcades de son rez-de-chaussée supportaient la véranda du premier étage, surmontée de frontons à cintres renversés, à raison de deux par largeur d'arcade. Elle était à louer et appartenait à Menahem Missa.
Mais depuis, elle a disparu car elle a été remplacée par un immeuble moderne.
La maison Bardey fut confondue avec l'ancienne chambre de commerce, située à quelques dizaines de mètres. L'erreur fut révélée en 2001 par Jean-Hugues Berrou et Jean-Jacques Lefrère dans leur livre Rimbaud à Aden.
Le centre culturel et poétique Franco-Yéménite d'Aden, dit "Maison Rimbaud", fut inauguré le 1er novembre 1991 par Roland Dumas, Ministre des Affaires étrangères et Jack Lang, Ministre de la Culture, accompagnés de leurs homologues yéménites, pour le centenaire de la mort de Rimbaud.
Cette "Maison Rimbaud" fut restaurée en 1993 et repeinte dans le bleu original d'Aden. Elle fut également occupée par l'agence consulaire. Elle fut ensuite fermée le 30 juin 1997, malgré la pétition internationale lancée par l'Association Les Amis de Rimbaud et son président José-Marie Bel.
Depuis, elle a été transformée en Hôtel Rambow.
Quant à l'Hôtel de l'Univers, après avoir connu des travaux d'extension en 1880, il devint Grand Hôtel de l'Univers, puis Grand Royal Hotel dans les années 1920. Il semble qu'il soit aujourd'hui à l'abandon.
Pour aller plus loin :
- Chroniques yéménites : Maurice Riès et ses fils, par Lukian Prijac. Revues.org, Décembre 2004.
- Fugues et fougue : Sabine au Yémen, 14 janvier au 10 février 2010.
- Yémen, au pays de la Reine de Saba - itinéraire 9 : Aden.
- Aden : Halcyon Days in South Arabia. Site de Peter Pickering sur l'histoire d'Aden, avec des articles historiques et des images d'Ingleby Jeffers.
- Aden au temps de l'étoile rouge, par Franck Mermier, 6 avril 2010.
- Guide de l'immigrant à Madagascar, Tome 1. A. Colin (Paris), 1899. 3 vol. in-8° et atlas in-fol.
- De Toulon au Tonkin (itinéraire d'un transport...), par le Docteur Bernard de Cannes. Laplace, Sancher (Paris), 1885.
- Le Yémen: une sensation de bonheur, par Michel Bulteau, Alain Jouffroy, Lyu Hanabusa. www.acr-edition.com, 1995.