Compositions latines
L'Ange et l'enfant

Un ange au radieux visage
Penché sur le bord d'un berceau,
Semblait contempler son image
Comme dans l'onde d'un ruisseau.

Charmant enfant qui me ressemble,
Disait-il, oh ! viens avec moi :
Viens, nous serons heureux ensemble
La terre est indigne de toi.

Là, jamais entière allégresse :
L'âme y souffre de ses plaisirs,
Les cris de joie ont leur tristesse
Et Les voluptés ont leurs soupirs.

Eh quoi ! les chagrins, les alarmes
Viendraient troubler ce front si pur,
Et par l'amertume des larmes
Se terniraient ces yeux d'azur !

Non, non : dans les champs de l'espace
Avec moi tu vas t'envoler ;
La Providence te fait grâce
Des jours que tu devais couler.

Que personne dans ta demeure
N'obscurcisse ses vêtements ;
Qu'on accueille ta dernière heure
Ainsi que tes premiers moments !

Que les fronts y soient sans nuage,
Que rien n'y revèle un tombeau :
Quand on est pur comme à ton âge
Le dernier jour est le plus beau.

Et secouant ses blanches ailes,
L'ange à ces mots a pris l'essor
Vers les demeures éternelles...
Pauvre mère, ton fils est mort !

J. Reboul, de Nîmes.

- Rimbaud, Oeuvres complètes, Classiques Modernes, 1999.



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